
Les urgences ferment encore, la crise s'éternise à Pertuis (La Provence éd. abonnés, 24 octobre 2023)

Larges extraits de l'article paru dans La Provence le 24/10/23 (édition abonnés), hélas toujours d'actualité.
La situation semble partie pour se répéter et témoigne de l'ampleur de la crise traversée par l'hôpital public de Pertuis. "En 43 ans de métier à l'hôpital d'Aix - Pertuis je n'ai jamais vu ça " désespère René Sale, secrétaire général des hospitaliers Force Ouvrière d'Aix-Pertuis. "Les urgences c'est 24 h / 24, on ne peut pas le faire de temps en temps, au petit bonheur la chance !" Faute de médecins, le service qui a accueilli, en 2022, 17 500 patients, baisse le rideau.
Un calendrier encore incertain puisqu'il dépend de la disponibilité des médecins, "c'est au fil de l'eau, parfois nous sommes informés que les urgences ferment seulement une heure avant" précise René Sale, qui est aussi technicien supérieur à l'hôpital. "On ne sait pas qui sera là demain, après-demain, je n'ai pas de visibilité sur les ouvertures ces prochaines heures. Ça bouge tout le temps", indique-t-on du côté de la direction du Centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis (Chiap).
Pour Isabelle, déléguée syndical CGT, un seul diagnostic s'impose : "tous les ans, c'est pire encore... On voit des soignants à bout. Il y a une nette dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux. Avec ce manque de praticiens, c'est un danger pour les médecins eux-mêmes et pour les patients. Que dire à un malade qui fait un accident vasculaire cérébral ? Nous sommes conscients qu'on ne corrige pas les erreurs du passé en un claquement de doigt, mais il y a une vraie urgence. Dans ce contexte, on se demande quel peut-être l'avenir de l'hôpital public sur tout le territoire".
Les syndicats accusent la loi "Rist", adoptée en mai 2023, d'être partiellement responsable du manque de médecins à l'hôpital public. Pour mettre fin au phénomène des "médecins mercenaires" monnayant au prix fort leur renfort dans des services hospitaliers publics en mal de soignants, l'article 33 de la loi visait à plafonner le tarif d'une garde de 24 heures à un peu moins de 1 400 €.
Une loi qui ne concerne pour l'heure pas le secteur privé. Cette mesure, contre les abus du recours à l'intérim médical, a pourtant rapidement produit des effets pervers. "Cette loi organise la fuite des médecins vers le privé puisqu'elle encadre les salaires seulement dans le public" argumente le secrétaire général FO.
Le maire de Pertuis, Roger Pellenc, s'inquiète aussi de la situation. "C'est une catastrophe, et une catastrophe qui dure et s'aggrave car elle a commencé pendant l'été" explique celui qui est également vice-président du conseil d'administration de l'hôpital Aix - Pertuis. "Je soutiens à bloc les urgentistes. Comment cela peut-il arriver dans un pays qui se gargarise d'être à la pointe de la santé ? C'est un trompe couillon comme on dit en Provençal ! " s'énerve l'élu. Seule nouvelle rassurante, "le Service Mobile d'Urgence et de Réanimation (Smur) de Pertuis, en lien avec le Samu (15), continue de fonctionner correctement et prend en charge les urgences absolues".
Depuis son bureau aixois, Nicolas Estienne, directeur du Chiap, ne peut que déplorer ces fermetures perlées. Pour lui, la raison se résume en une phrase : "on ne trouve plus assez de médecins urgentistes pour assumer le fonctionnement de Pertuis" : "le nombre de médecins ne fait que diminuer. Un praticien absent, et c'est le château de carte des tableaux de garde qui s'effondre. Tous les renforts qu'on a pu mobiliser jusqu'à maintenant l'ont été. Mais, il y a les congés, les repos qui n'ont pas été pris".
Stéphan Robert, médecin vice-président de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Santé Lub du Sud Luberon se veut plus optimiste en évoquant "ces médecins de garde qui prennent le relais. Ça amortit le choc en quelque sorte. Si on arrive à une meilleure organisation de soins, on peut espérer des jours meilleurs".
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